" Une production artisanale pour une plante originale "

Dans sa pépinière du Tarn et Garonne, Fleurs du sud, Alain Tan cultive un très large assortiment de plantes méditerranéennes, parmi lesquelles les Hibiscus moscheutos, dasycalyx, coccineus et autres grandiflorus, occupent le haut du panier. Jusqu'à les hybrider lui-même et créer de nouvelles variétés.

Hybrider et sélectionner pour le plaisir. Le pépiniériste réalise les croisements par pollinisation contrôlée, sur les pieds-mères qu'il sélectionne depuis 8 années. Ensuite il sème en janvier les graines obtenues. L'avantage de travailler avec cette plante vivace herbacée est de pouvoir observer les résultats des croisements dès la première année de pousse. « Même si les caractères ne sont pas tous entièrement stabilisés, ils ne le seront qu'au bout de 3 ou 4 ans de culture, précise Alain Tan, ce que l'on peut observer la première année permet déjà de sélectionner les individus qui nous intéressent. » Il existe une très grande variabilité morphologique chez ces espèces d'Hibiscus herbacés, sur la taille et la couleur des fleurs (dans les tons rose, rouge et flammé), sur le coloris du feuillage ainsi que sur la forme des feuilles. « Sur trente graines issues d'une même fleur, j'ai pu observer 30 plantes différentes ! », constate-t-il.

Alain Tan a commencé à travailler ses obtentions avec le SAPHO, sarl d'édition végétale, ancien syndicat d'amélioration des plantes horticoles ornementales, qui a breveté deux de ses obtentions, Planet® 'Solène' et Planet® 'Griotte' (cette dernière a reçu une médaille de bronze au salon Plantarium de Boskoop en août 2013). Puis cinq obtentions ont été brevetées par la société néerlandaise Plantipp qui les diffuse aujourd'hui : Hibiscus moscheutos Carrousel® 'Joli Coeur', Carrousel® 'Pink Candy', Carrousel® 'Géant Red', Carrousel® 'Red Wine' et Carrousel® 'Pink Passion'.

Quand Alain Tan repère une variété intéressante et qui apporte une nouveauté, les plantes sont multipliées in vitro par le diffuseur, pour un développement rapide. Les jeunes plants issus d'in vitro sont ensuite cultivés en Pologne avant d'être expédiés aux producteurs pour la culture. Le sélectionneur et le diffuseur se partagent les royalties payées par les producteurs sur chaque plante. Alain Tan raconte : « Je ne fais pas ça pour l'argent, parce qu'une fois que les frais de brevet sont remboursés, ça ne rapporte pas beaucoup ! Je le fais pour mon plaisir, parce que j'aime sélectionner et sortir de nouvelles variétés. »

Une plante originale et esthétique. Les fleurs de ces hibiscus peuvent être géantes, de 20 à 30 cm. Elles sont éphémères, de nouvelles fleurs apparaissent tous les jours et elles s'ouvrent avec le soleil. En plus des fleurs, ce qui fait tout l'intérêt esthétique et paysager de cette plante originale réside dans la qualité et la variabilité de son feuillage. Les tons peuvent aller du vert pâle au pourpre brillant, avec toutes les nuances, avec des aspects mordorés. Les feuilles peuvent être plus ou moins découpées, parfois vraiment disséquées pour Hibiscus dasycalyx et ses hybrides. La beauté du végétal vient aussi des contrastes de couleurs qui existent entre le feuillage plus ou moins foncé, les boutons floraux dont les sépales sont le plus souvent vert pâle, et les fleurs colorées. En automne, le feuillage prend des tons cuivrés intéressants.

Les plantes mesurent de 50 cm à 2 m selon l'espèce et les variétés, et peuvent prendre 1 m d'envergure après quelques années de culture. « Les diffuseurs demandent tous des plantes basses et à petit développement, commente Alain Tan. C'est la tendance actuelle du marché. Je trouve que c'est dommage pour des plantes comme ces Hibiscus qui peuvent être magnifiques quand ils sont grands. » Les parties aériennes disparaissent complètement en hiver, pour repartir en avril-mai (elles ont besoin d'une température nocturne de plus de 10 °C pour démarrer) et atteindre leur maximum en été et en automne, en fleurissant jusqu'en octobre. Leur résistance au froid, qui est un des critères de sélection d'Alain Tan, se situe aux environs de - 15 °C : « En 2012, nous avons eu une semaine à - 14 °C. J'ai éliminé ainsi de ma collection tous les individus qui n'avaient pas résisté. »

Une production artisanale pour protéger la diversité. La pépinière Fleurs du Sud d'Alain Tan est une entreprise artisanale, dans laquelle il travaille seul. Il est toutefois épaulé par son épouse qui participe pour les aspects relatifs à la communication et au site Internet. L'établissement accueille par ailleurs des stagiaires, qui aiment bien découvrir la gamme végétale : « Ils font exactement le même travail que moi. Si je les accueille c'est pour qu'ils puissent partager ma passion. »

Les 1 200 m2 de pépinière et 800 m2 de serres dégagent un chiffre d'affaires de 80 000 euros, ce qui suffit au bonheur du chef d'exploitation : « Notre taille d'entreprise nous permet aussi de résister dans la tourmente. Nous pouvons nous en sortir mieux parce que nous avons moins de frais, plus de souplesse, même si ce n'est pas facile. »

La vente se fait essentiellement auprès des particuliers, lors de foires aux plantes, locales ou nationales, et par le site Internet. Quelques mairies et quelques paysagistes viennent compléter la clientèle. La gamme de plantes proposées est très large : plus de 300 espèces différentes composent le catalogue. « Nous sommes tellement petits, il nous faut nous démarquer, c'est par le choix proposé et c'est tout l'intérêt de faire ce métier comme ça. » La pépinière est agréée comme collection nationale pour les Hibiscus rustiques herbacés, les Impatiens et les Brugmansias par le Conservatoire des collections végétales spécialisées (CCVS). Elle fait partie de l'association des pépiniéristes collectionneurs, AsPecO. « Nous sommes une trentaine dans cette structure. Maintenant, nous sommes des dinosaures, constate Alain Tan. Nous nous situons à l'opposé des tendances du marché. Et pourtant, il nous semble très important de nous battre pour préserver la diversité végétale. »

Cécile Claveirole